TOUCHER LE FOND
Quand le toucher thérapeutique prend la voie du toucher traumatique : « pré-texte » à un passé de violences sexuelles
Marjorie Lombard
Docteure en psychologie, psychologue clinicienne et sexologue
Clinicienne en activité libérale et chargée d’enseignements universitaires
Résumé
En toute intimité, certains de nos patients ont touché le fond par la nature même de violences antérieures subies de mains qui instrumentalisent pour mieux posséder. Le sujet ne peut qu’être nié, dans un rapport de force qui éteint toute rencontre. C’est même le meurtre du sujet psychique qui s’y loge avec le risque, qu’à l’occasion du soin, quand des mains expertes se poseront sur ce corps autrefois violenté, que la mémoire traumatique soit mise au goût du jour. Plus qu’une empathie, c’est la reconnaissance de cet autre dévoilé dans sa vulnérabilité, comme un semblable en humanité, qui éloigne le professionnel du risque de commettre un autruicide. A notre insu, et pour ne pas être médusé, à notre tour, la tentation peut être d’éviter que l’effroyable de se produise au gré d’un touché thérapeutique. Entre toucher affectif, érotique, gnostique, pathique et traumatique, il n’y a parfois qu’un pas à franchir. Ce n’est pas celui qui touche qui le franchit, mais davantage celui qui est touché, qui y retourne. Ainsi, ce qui se révèle dans l’intimité clinique, et ce de manière plus ou moins voilée, se laisse à entendre à l’instar d’un texte en premier jet, de sensations figurant l’irreprésentable des violences sexuelles passées, en appelant à notre code éthique pour éviter une posture en ré-acte prenant l’allure du sur-traumatisme.